Carlo Scarpa

Surnommé « le Byzantin », cet homme discret et inclassable a imprimé à Venise – et à l’Italie entière – la marque d’une sensibilité rare, d’une pensée qui se refusait à trancher entre le passé et l’avenir.

Né en 1906, d’une mère couturière et d’un père professeur, Scarpa naît entre la main et l’esprit. Très jeune, il noircit des carnets de croquis, comme d’autres tiennent un journal intime.

Il jongle avec les matériaux – le bois, la pierre, le métal, le béton, déjà –. Il est d’un modernisme habité, où chaque détail compte.

Voici neuf lieux, neuf morceaux de vie où son art a trouvé matière à s’exprimer.

La Tomba Brion (près de Trévise)

C’est peut-être là que son génie atteint son acmé. Une œuvre totale. Un sanctuaire. Un labyrinthe de béton où l’on marche comme dans un rêve. Commandée par la famille Brion, cette œuvre est un hommage au masculin, au féminin, au sacré. C’est aussi là, entre les murs qu’il a dessinés, que Scarpa repose. Comme si la vie avait refermé son cercle.

Le musée Revoltella (Trieste)

Il fallait oser toucher à ce palais Second Empire. Scarpa, lui, a ajouté un souffle. Il invente des terrasses d’où l’on contemple à la fois la ville et l’architecture elle-même, comme un peintre contemple son tableau pour y déceler la note juste.

Le Museo di Castelvecchio (Vérone)

Dans cette forteresse, il a redonné vie. À travers les parcours, les ouvertures, les perspectives, il guide le regard sans jamais l’emprisonner. Même le jardin semble respirer autrement depuis son passage.

Le Negozio Olivetti (Venise)

Face aux ors de la place Saint-Marc, Scarpa ose le béton. Un pari fou, un pari gagné. Dans ce showroom, chaque marche, chaque lumière, chaque matière compose une symphonie urbaine. Le commerce devient art.

Ce lieu est un concentré de son talent, de la rigueur qui crée la justesse parfaite.

La Fondazione Querini Stampalia (Venise)

Quand l’eau s’invite dans les murs, quand la lumière devient mouvement… Scarpa compose ici une œuvre liquide, vivante. Ce n’est plus un bâtiment : c’est un dialogue entre l’eau et la pierre, une caresse entre le dehors et le dedans.

La Villa Veritti (Udine)

Une maison ? Oui. Mais surtout une manière d’habiter le monde. Cylindres, portes coulissantes, bois et marbre. Tout ici murmure la douceur, la paix. Scarpa y dessine un refuge pour l’âme.

Le Grand Hotel Minerva (Florence)

Face à l’histoire, Scarpa redonne dignité aux murs anciens, sans les trahir. Le grand mur de briques aux ouvertures ovales est une signature discrète, un clin d’œil élégant.

Le Pavillon Scarpa à la Biennale (Venise)

Ici, il compose une mezzanine comme on suspend une pensée. Et dans le Jardin des sculptures, il invite le visiteur à se perdre, à rêver. Scarpa ne bâtit pas des lieux : il réveille l’âme.

Le Negozio Gavina (Bologne)

Façade de béton et verre, ornée d’or et de bronze. Comme un vitrail moderne. Scarpa divise, fascine, impose. Une fois encore, il transforme un simple lieu en expérience totale.

Carlo Scarpa.

Scarpa n’a pas simplement bâti des édifices.

Il a offert à l’Italie des instants d’éternité.